Centre Technique du Cuir,
Arcachon
Lorsque Jean Deleplanque et Bernard Vuillermet, du Centre Technique du Cuir (CTC) m'ont proposé d'intervenir sur le sujet de la distribution face à des industriels, dont le métier est le concret, j'ai été dubitatif.
Comment aborder un sujet aussi irrationnel que les magasins et la distribution face à un auditoire d'ingénieurs, de techniciens…
Et puis je me suis souvenu que dans tout cartésien qui a la partie "logique" du cerveau plus développée il y avait aussi une partie, celle du "sensitif" qu'il serait peut-être utile de solliciter ce matin.
Permettez moi de me présenter en quelques mots:
Certains de mes amis m'appellent leur régleur. Cette qualification me convient, car elle ne m'enferme pas dans une fonction précise mais me permet d'intervenir dans tous les méandres de la stratégie et du marketing dans un métier qui est depuis 25 ans, l'habillement, le sport, la chaussure.
Passant de la distribution, aux PMI, en intervenant à l'international, dans le sport ou la VPC, j'ai pu au cours de toutes ces années m'imprégner de toutes les facettes de l'aval de notre métier.
Mon expérience, appuyée par une méthodologie issue des maîtres-ès marketing que sont Régis Mac Kenna ou Michael Porter et éclairée par le visionnaire Alvin Toffler, m'a permis de dégager quels sont aujourd'hui les vrais facteurs clés de succès pour les entreprises des marchés de l'habillement.
Dans mon exposé, qui se veut plus aujourd'hui, une sorte de synthèse des idées et concepts qui organisent la distribution, j'aborderai d'abord, ce qui forme véritablement l'acte d'achat; c'est à dire lar relation qui existe entre celui qui a quelque chose à vendre et celui qui est susceptible de l'acheter. Je vous proposerai ensuite, un survol des différents points qui forment la distribution:
le cadre urbain, l'opposition producteurs-distributeurs, la fonction des magasins, les hommes, les différents types de commerce, le rôle des enseignes et des marques, et je terminerai par quelques mots sur la structure du marché.
Le magasin n’est pas le maillon d’une chaîne forgée par un industriel ou une entreprise en recherche de débouchés, mais constitue un marché indépendant… c’est le lieu de rencontre des clients pour lequel cette entreprise achète. Si cemagasin voit ses activités se développer, il va jouir d’un prestige plus grand que celui du fournisseur dont il vend les produits. (Phillip Mc Vey)
Quelle est l'évolution majeure dans le commerce?
La civilisation, née de la révolution industrielle a souvent été décrite comme celle de l’objet. Cette vision, réductrice, du monde contemporain et quoi qu'encore fortement présente est aujourd’hui dépassée.
Une vérité, déjà ancienne, mais encore fortement méconnue dans les produits de l'habillement s’impose maintenant : notre monde n’est pas celui des marchandises, mais celui de l’échange et de la communication. A ce titre, pour nos métiers, les magasins sont bien le lieu idéal de l'échange entre les idées d'entrepreneurs et les envies diversifiées du public.
De façon un peu schématique, on peut avancer la thèse que dans la première partie du siècle, les Grands Magasins, les Magasins Populaires, correspondaient aux progrès des industries de produits de consommation et remplaçaient définitivement les artisans, symboles de la micro-économie locale.
Les Hypers Supers et GSS des années 65/80 étaient le prolongement logique de la révolution automobile, et de la consommation quantitative.
Les néo-spécialistes de l’habillement de la fin des années 80, la VPC, les nouveaux Grands Magasins de centre ville commencaient à refléter l’avènement d’une société de services et de communication, dans laquelle la part du qualitatif donc de la pertinence est primordiale.
L'achat est la concrétisation d'une relation.
Les vingt années qui viennent de s’écouler ont profondément changé le paysage du marché de l'habillement. Tout le monde s’en est rendu compte, là comme ailleurs, le monde a changé. Avant, il y a bien longtemps… avant les années 1970. On produisait déjà, on vendait déjà, on consommait déjà…! Mais les méthodes de production, les systèmes de vente et les façons d’acheter d'aujourd’hui n’ont plus beaucoup de ressemblance avec ce qui passait alors.
Remontons un peu dans le temps :
Avant 1960, les magasins, sont les outils de vente d’une production hyper puissante. Leschéma est classique. On produit des chaussures, qui sont vendus dans des magasins de chaussures, par des commerçants en chaussures, à des gens qui achètent des chaussures tout naturellement lorsqu’ils en ont besoin. Ces gens, sont avant tout des clients, et toute l’action du commerçant est de conserver son client.
La relation commerciale se définit comme une relation directe commerçant / client. Ce client est fidèle, plutôt passif, et bien sûr confiant. Le manque d’information le rend peu évolué lorsqu’il s’agit d’acheter. Le rôle du commerçant est clair: il sait, il conseille, il rassure. Il en découle tout naturellement un service du client basé sur des conseils de choix en termes de durabilité, d’usage, de fonction.
Les magasins offrent alors, pour la plupart, un assortiment plutôt restreint, et généralement peu spécialisé en termes de clientèle. Comme le rôle principal du commerçant est d’être situé au bon endroit, (là ou tous les gens passent) son fond de commerce est sa première richesse et son sens du commerce sa première valeur.
Entre les années 1960 et 1980, une nouvelle relation commerciale va s’installer. Après vingt années de reconstruction de la France, les français vont devenir rapidement des consommateurs. Ilva leur falloir, pour développer l’économie, pour créer des richesses, consommer à tout va et s'endetter…
De nouvelles formes de commerce, adaptées à cette évolution sociologique vont apparaître. Les libres-services d’abord, qui laissent aux gens la liberté de choix et qui ont marqué l’opposition de deux systèmes commerciaux, l’un favorisant la relation commerçant-client expliquée plus haut, l’autre favorisant au contraire la relation produit / consommateur.
La naissance des hypers marchés, des centres commerciaux, puis dans un second temps des magasins d’usines et des Gss, vont tous avoir le même rôle: mettre en phase des produits et des consommateurs, minimiser le rôle du commerçant… Alors, bien sûr le commerce en est changé.
Les études de produits, les études merchandising, les études d’attitudes et de comportements de consommateurs priment sur tout. Le marketing de la "demande", est né.
Il faut savoir ce qui va intéresser, par quoi va être séduit le client. Quel objet va déterminer son choix. Dans cette époque de recherche de rentabilité, les mots clés sont C.A au m2, linéaires,… Les magasins sont fonctionnels, rationnels. Avec le temps, les prix au m2, sont devenus presque aussi chers en périphéries qu’en centre-ville vieillissants. Les voitures permettent d’aller rêver autour des parkings des CCR.
Le développement des hypers marchés, s’appuyant sur le besoin de consommer "plus",va causer des ravages énormes chez les commerçants indépendants.
Dans le même temps, apparaît une "science nouvelle". La nécessité pour les entreprises d'avoir à faire connaitre leurs produits à un nombre de plus en plus grand de personnes les amènent à la publicité, technique nouvelle de mass-marketing.
Au cours de la décennie 80, accompagnant les évolutions sociologiques générales vers le "recentrage", la relation froide produit / consommateur laisse la place à une relation plus humaine mais aussi plus complexe:
la relation commerçant / produit / acheteur-informé.
Le toujours "mieux" remplace le toujours "plus"… ce qui va bien sûr transformer la structure de la consommation. Lentement, le besoin de qualité s’installe et cette recherche de la qualité semble se faire dans différentes directions:
. La recherche de la qualité technique. Des produits bien faits, pour lesquels l’utilisation est claire. Des produits dans lesquels le superflu n’existe plus, mais aussi qu’il faudra expliquer, argumenter sincèrement, car ces acheteurs informés ont envie de comparer. Les matières, les techniques de fabrication artisanales ou non, etc…
. La recherche d’une qualité sociale. Les vêtements et les chaussures sont des signes d’appartenance à des groupes, des signes de positionnement de l’individu par rapport à la collectivité. L’importance de se faire connaître et reconnaître est grandissante. La liberté devient plus importante que l’égalité. L’explosion des marques s’explique en partie par cette recherche de qualité sociale, par le souci de se différencier vis-àvis des autres, tout en souhaitant adhérer voire appartenir à un groupe référence.
. Enfin, une qualité culturelle. L’être et plus particulièrement, le bien-être, remplacent l’envie de l’avoir. Le plaisir d'acheter prend une nouvelle dimension. Les "styles de vies" dans la décennie 80 en ont démontré clairement l’importance. L’individu, devient plus important que la collectivité et il a besoin de se satisfaire davantage de ses achats.
L’avènement, des micro processeurs, lui a fait admirer la modernité, la technologie et a entraîné que les systèmes de vente traditionnels passéistes et poussiéreux ne l’intéressent plus. La publicité s’est transformée en communication. On a suggéré au lieu de recommander et, le rêve, l’évasion, l’émotion… l’ont emporté sur le rationnel.
Cette recherche de qualité technique, sociale et culturelle était issue d’une envie de mieux vivre, et cette envie de mieux vivre a entraîné une consommation beaucoup plus sélective. Le marketing d'environnement, de proximité prend date.La relation mentionnée plus haut commerçant / produit / acheteur informé, a pris toute son importance dans cette consommation sélective.
Le luxe se développe fortement et intéresse tout le monde.
La consommation de l'habillement se transforme et prend une allure de "sablier": le moyen de gamme tend à disparaître, le public de plus en plus intéressé soit par les symboles du luxe soit par l'affaire, les prix.
Le rôle du commerçant redevenu prioritaire s'est affirmé lorsque:
- il s'est défini une cible de clientèle conformeà sa ville, à son emplacement, à son environnement plutôt qu’à son goût personnel,
- son point de vente est devenu un lieu dans lequel la catégorie de clientèle qu’il a sélectionné et choisi de servir se soit senti bien, à l’aise,
- les produits ont été clairement définis, compris, proposés par thème, afin que les acheteurs ne soient pas perplexes devant le choix
- l’image qu’il a donné de son magasin était conforme aux clients qui y pénétraient et aux produits qui s'y vendaient,
- enfin, lorsqu'il était convaincu que ses acheteurs consommaient de moins en moins de matière, et de plus en plus de valeur ajoutée, et que les prix qu'ils étaient disposés à payer pour un produit dépendaient plus de l’image qu’il dégageait ou de son stylisme adapté que de sa valeur d'achat auprès de son fournisseur.
La compréhension de ces relations mettant en scène commerçants, produits, acheteurs a entrainé une certaine évolution des systèmes de distribution, car le commerce se complique maintenant d'un vrai concept d'intelligence:
l'offre organisée, à un prix raisonnable, destinée à un public ciblé,dans un environnement adapté.
En effet, récemment, confrontés à la crise, et exténués par la multiplication des offres et des choix surabondants les consommateurs semblent approcher du point de rupture de la non-consommation.
"Je veux bien acheter, mais maintenant, que je suis bien informé je n’achète plus que ce qui correspond à mon état d’esprit ou à mes moyens du moment"
A la multitude d'individusayant des profils différents, s'ajoute la multitude des comportements possibles pour chaque individu.
La relation qui guide la consommation se définit aujourd’hui comme la relation choix juste/public averti et conscient.
Cette relation va avoir dans toute la chaine du producteur de matières premières au détaillant une incidence assez révolutionnaire car, une chaussure, un sac, produits porteurs de valeurs industrielles n’est plus la valeur principale achetée parle public.
Pour conforter son choix “juste”, il y a besoin d’entourer le produit physique de signes, d’éléments immatériels ou concrets, de valeurs symboliques, ou d’attractivité pécunière.
Il a besoin d’un environnement “juste”,
d'une offre "juste"
d’un service “juste”,
au moment "juste"
Il a besoin d’un discours “juste”,
Ce n'est plus le bon produit, au bon prix, au bon moment…c'est le bon moment, le bon endroit, la bonne idée au prix qui lui convient.
Et surtout, dans cette nécessité de justesse, le public ne comprend plus les entreprises, les marques, les boutiques, les commerçants, les produits, qui n’ont pas l’actualité qu’il vit tous les jours grâce à la surabondante information dont il dispose.
L'évolution du commerce se comprend par l'évolution du cadre urbain…
La croissance urbaine a été un des grands phénomènes de l’après -guerre.
Au cours des années 60 et 70 la conjonction d’une forte croissance de la population urbaine et d’une forte croissance économique a suscité une vague d’urbanisation: logements neufs en banlieues, développement important en périphéries des villes, création de commerces de proximité.
La période 75/85 a vu s’infléchir et se renverser cette tendance car il ne s’agissait plus d’organiser une forte croissance urbaine mais d’offrir aux citadins une qualité du cadre de vie et de l’environnement à la mesure de leurs exigences croissantes: On a limité les extensions urbaines, pour rénover et organiser les centres des villes. Ce que Claude Levis-Strauss décrit parfaitement par "les forces centrifuges et les forces centripèdes" …
La masse financière globale qui se dirige vers les centresvilles est maintenant plus importante que celle qui se dirige vers les périphéries: le mouvement de balancier est revenu vers le cœur des villes. Là où on achète avec recherche et plaisir.
Aujourd’hui,les détaillants et magasins populaires affaiblis ont cédé sous la pression des groupes et sont rejetés hors des centres villes actifs. De “family stores” des années 60 ils sont devenus totalement déspécialisés et vieillissent avec leur clientèle d’habitués.
Lorsque des commerçants locaux ont investi en rénovation, en formation, en image locale, ils ont réussi à stopper la croissance des chaînes et sont bien souvent devenus les “maîtres” de leur ville en développant le nombre de leurs points de vente. Les enseignes, souvent de gamme moyenne et haute, de ces détaillants “leaders” maîtrisent les centres principaux des villes qui se sont développés dans la décennie 80.
Ces centres villes drainent un potentiel important et possèdent de ce fait les prix les plus élevés pour les fonds de commerce, et ce, malgré les fluctuations dues au marché de l'immobilier. Dès que des fonds intéressants sont disponibles, (départ à la retraite de commerçants ayant fondé leur activité en 1950, faillites de commerces traditionnels…) ils sont achetés par des chaînes à forte valeur ajoutée : fast-food, optique, luxe, musique, …
Mais, les développements les plus spécialisés de l'habillement, les plus segmentés, les plus novateurs, se font souvent ailleurs: dans les nouvelles rues piétonnes, dans les centres anciens modernisés après 85, partout où l’intelligence et "l'inspiration commerciale" ( à condition que l’environnement s’y prête) peut compenser le coût d’acquisition d’un fond de commerce.
L'antagonisme Producteurs /Distributeurs
Depuis le début de la société dite de consommation, les coûts directs de production sont en baisseet les coûts d'information en hausse. Il est logique de ce fait que la spécificité du distributeur se revalorise tandis que celle du producteur se dévalorise.
Les producteurs standards passent le relais aux marques de distributeurs. Sauf dans des produits particuliers ou la notion de spécificité de l'outil de production constitue une vraie différenciation aux yeux du public. L'économie passe d'une période ou les producteurs ont fait vendre à une période ou les distributeurs font produire.
Et là bien sûr l'avantage pour le public est énorme, car le distributeur est mieux placé que quiconque pour innover en produits et en symboles.Là ou le producteur ne dispose que de projections de comportements prises sur de petits groupes, le distributeur est en contact direct avec son public et peut tester immédiatement l'effet de n'importe quelle décision sur les consommateurs. La réponse est immédiate.
Enfin, les distributeurs apparaissent comme des accélérateurs du progrès dans ce marché de l'habillement.
En développant sous leurs enseignes des marques dans de multiples segments (grands magasins, hypers, chaines… mais aussi les distributeurs notables locaux multimarques) ils favorisent l'émergence de marques indispensables et la disparition de productions banalisées et superflues.
Fonction des magasins
Si nous considérons l’évolution économique et sociale de la société occidentale, nous constatons un système des comportements à “multiplication cellulaire” : la consommation, les produits, les services de plus en plus sophistiqués sont la manifestation de ce processus irréversible.
Plus le marché devient un “centre de communication”, entre les créations des entreprises et les recherches des consommateurs, plus les commerçants qui en sont les acteurs centraux, sont conduits à se spécialiser pour accroître leur efficacité de codage-décodage des messages des uns et des autres.
Ils permettent ainsi une adéquation de l’offre et de la demande dans un contexte de diversification croissante des attentes face au choix de plus en plus abondant proposé.
Les néo-spécialistes, les chaines "20 ans" les marques-créateurs, ont compris ces dernières années que le magasin - tout en étant le lieu où se dénoue la tension entre l’offre et la demande - est un endroit “magique” dans lequel, la sensibilisation au prix est souvent inversement proportionnelle à la justesse de l'offre et des services apportés
Spécialisation de l'offre
L’environnement urbain, traduit de façon assez claire que le commerce de l'habillement est aujourd'hui dans une situation de "rupture" favorable à la naissance de nouvelles idées.
Une entreprise de production s'interrogeant sur la distribution de ses produits, peut de ce fait songer à commercialiser aussi par magasin car l’efficience en aval de son savoir-faire va fortement accroître son efficience en amont et par là même rejaillir sur l'ensemble de l'entreprise.
Si plusieurs voies techniques sont possibles à l'accession à la distribution et si elles dépendent toutes plutôt de la stratégie à moyen et long terme de l’entreprise que du marché, un seul point est cependant obligatoire: la spécialisation. Pas la spécialisation produit fabriqué, mais la spécialisation marketing.
Celle-ci permet d’accroître considérablement, et sans surcoût excessif, l’information et les services incorporés àl’offre d’un produit. Une offre qui devient plus efficace et qui entraîne une demande plus forte.
La spécialisation doit être renforcée en s’appuyant sur des propriétés immatérielles liées aux types de vies, aux âges, aux comportements d'achats, et à l' image sociale médiatisée par le vêtement ou la chaussure.
Mais avant tout, elle va permettre d’économiser du temps en réduisant les périodes d’ajustements des offres et des demandes, donc de réduire les coûts d’incertitude liés à tout investissement pour le distributeur mais aussi ceux liés à tout achat pour le consommateur.
Marques et symboles
Le produit est ce que l'entreprise distribue, la marque est ce que le client achète. Elle réduit l'opacité de l'offre et supprime l'incertitude liée à l'achat. "La marque est le refuge des angoissés".
En un mot, en un symbole, se concentrent les attributs, les valeurs, les principes injectés dans le produit.
Pour le client, la marque est un repère. Dans les marchés liés à la mode, la marque introduit une stabilité salutaire car, même si les produits changent, l'esprit reste le même.
L'investissement aujourd'hui des marques, des entreprises, bien-audelà de leur simple savoir-faire technique ou commercial, en fondations, mouvements, groupes de pressions, etc… montre assez bien l'évolution des besoins…du concret au symbolique.
De l'objet à la marque, de la marque au référent culturel.
Enseignes
Les acheteurs ne connaissent pas toujours à priori les caractéristiques exactes des produits qu’ils recherchent. De plus en vêtements,en chaussures, certaines de ces caractéristiques ne sont pas immédiatement perceptibles.
La consommation de vêtements et de chaussures (plus que d'autres produits) comporte un risque d’insatisfaction que les magasins vont chercher systématiquement à réduire. Le moyen privilégié de lever cette incertitude et de satisfaire réellement la demande, est celui d’une politique de notoriété de l’enseigne qui va garantir le produit ou sur-garantir la marque en l'expliquant de manière concrète.
Toute notoriété d’une enseigne contribue à diminuer le coefficient de risque des produits qu’elle offre aux consommateurs. Car l'enseigne, c'est plus qu'une marque. L'enseigne c'est la responsabilité affichée de celui qui vend. Et dans les produits de l'habillement, une entreprise n’existe vraiment comme entreprise de l'habillement, que lorsqu’elle est en même temps une enseigne.
Hommes
L’aventure du commerce, passée ou présente est une affaire d’Hommes. Souvent saga ou fantastique, les développements de magasins résultent d’infinité de contradictions surmontées: le mouvement est prouvé surtout en marchant.
Les succursalistes collent bien au marché grâce à leurs hommes et femmes qui sont tous des centres de décision autonomes et motivés: ils n’effectuent pas un travail, ils “sont” l’entreprise.
L’organisation assez fortement décentralisée de la fonction commerciale (gestion, vente, animation) chez les succursalistes, les néo-spécialistes, permet de répondre à la dispersion des comportements des consommateurs.
Enfin, la banalisation des technologies interactives (informatique, télématique etc…) permettant les comparaisons rapides des magasins entre-eux modifie logiquement le rôle historique des vendeurs (euses) dans les points de vente.
Ceux-ci doivent, non seulement maîtriser la connaissance physique des produits, mais aussi le service “immatériel” attendu par des consommateurs de plus en plus sensibles à l’image sociale médiatisée par ce produit.
Consommer, mais quoi…?
Issus d'une société de consommation, ou tout était bon à acheter puisque nouveau ou ayant peu existé, les consommateurs aujourd'hui sont confrontés à une offre multiple, variée, mais souvent perçue comme banalisée ou inutile.
Les besoins essentiels comblés pour la plus grande majorité, le moteur de la consommation se trouve ailleurs.
"Ventre et muscles satisfaits, il faut maintenant rassasier l'esprit"
Les différents observatoires de comportements, qui tentent désespérément d'expliquer le ralentissement de la consommation dans l'habillement, semblent tous se rejoindre au moins sur un point. Il n'y a pas de manque de pouvoir consommer, mais bien de désir de consommer. Un manque de raisons objectives et subjectives à justifier et rationaliser l'achat.
Le magasin est l' élément clé de réponse le plus important à ce non-désir d'acheter. Par son attractivité, sa capacité à cibler au plus juste, par son savoir-coller immédiatement au plus près à l'actualité, le magasin (comme le catalogue de VPC), réduit les risques d'insatisfaction en réduisant l'écart entre désir d'acheter et consommation effective.
Marché de l'habillement.
Grâce aux chaines mais au détriment des indépendants, le commerce spécialisé se maintient à plus de 70% de part d'un marché globalement en régression.
Le détail indépendant, qui représentait plus de 50% du marché est en chute constante depuis plus de 10 ans. Ce que les commerçants, dans leur plus grande part, imaginent être leur point fort: le produit, “l’objet”, prime généralement trop sur tout le reste.
Les succursalistes, les chaînes, ont souvent verrouillé les centres villes. Crées à l’origine pour vendre leurs productions, ils sont peu à peu devenus les spécialistes du service et de la communication.
Les franchises n’offrent plus vraiment aujourd'hui de séduction pour les industriels ou marques dans la mesure où le risque de conflit avec la distribution indépendante parait élevé. Ce qui entraîne ces industriels ou marques à souvent franchiser des magasins en difficulté, mal placés, ou dans des régions “non sensibles” et à ouvrir par contre leurs propres boutiques dans des villes à fort potentiels.
Les grands magasins profitent eux, depuis quelques années, des efforts de modernisation de leur service, de leurs structures, et de la rénovation de leurs images. Ils sont imités en cela par certains magasins populaires conscients de leur vieillissement.
Ces efforts des grands magasins, l'accueil des marques, des créateurs, les espaces dédiés à des "mondes", la justesse de leur démarche marketing sont particulièrement appréciés par les "leaders" de la consommation, les femmes jeunes, actives, modernes, urbaines.
La VPC, dont la part de marché s'accroit régulièrement et progressivement depuis 1985 est devenu le 3ème circuit de distribution en produits féminins. Son avantage déterminant: la clarté du choix, soutenu par unmarketing généralement innovant, rend son offre moderne, attrayante et accessible.
Les hypers marchés, les supers, les magasins d’usine, les gss, sont en conflit pour la maîtrise des périphéries des grandes villes, mais aussi des campagnes. Les produits sont généralement des produits “banalisés”, leurs services prioritaires le prix et la taille de l'offre en petites pièces. Ils accusent généralement un déficit important de séduction et s'ils savent parfaitement vendre des modèles "permanents" ils ont beaucoup de mal à convaincre les jeunes femmes et encore plus les "ados".
Les chaînes spécialisées populaires profitent du déficit d'image de la distribution intensive et, utilisant systématiquement leurs points faibles se développent fortement en centres commerciaux et périphéries.Depuis cinq ans, confrontés à la stagnation du marché, les entreprises les plus performantes de distribution de l'habillement (en centres villes ou en périphérie) ont pris, par le jeu normal de la concurrence, un poids grandissant.
Le processus actuel de concentration et de tentatives de domination par les coûts, contribue à améliorer leur productivité, à consolider leur part de marché, à renforcer leurs résultats.
Naguère, l’investissement suivait le commerce, maintenant il le précède.
Naguère, la consommation suivait elle aussi le commerce.Maintenant, les consommateurs, redevenus individus conscients, ne se laissent plus aussi facilement convaincre.
Lorsque les entreprises de distribution, les marques, les enseignes ont réussi à inventer de nouvelles formes de séduction du public, lorsqu'elles ont réussi à introduire dans leur offre suffisamment d'intelligence, de pertinence, d'actualité, alors, ce public comprend qu'il a en face de lui, des marques, des boutiques, des commerçants qui s'intéressent véritablement à lui. Il devient plus perméable.
Aucun métier ne peut survivre sans une réelle compréhension de ceux qui forment la richesse d'une industrie: les publics. Lorsque l'amont innove, se dote de moyens lui permettant d'être plus proche du public, en actualité, en prix, en imagination, il oblige les distributeurs à faire leur vrai métier: être le lieux de rencontre d'une offre juste et d'un public qui ne demande qu'à être convaincu.
Sources
Vive le Commerce: Henri Lepage
Marketing Management: Kotler - Dubois
L’avenir d’une mutation: F. Bobry
La révolution commerciale: P. Messerlin
Le commerce en 1990: Cecod
Ouvrir un magasin: Michel Fourquaux
Conquérir notre futur: LSA
Stratégies de rupture: Claude Bijon
Les nouveaux pouvoirs: Alvin Toffler
L’avantage concurrentiel: Michael Porter
Francoscopie (87à93): Gérard Mermet
Le défi culturel: Bruno Lusato
Les marques: Jean Noël Kapferer
Le financement d’un magasin: Jean C Fauveau
Le commerce de détail américain: André Tordjman
Projet pour le textile français: Jollès-Bounine
La revanche du centre ville: Olivier Méresse
Documentation
Institut du Commerce et de la Consommation
Cecod: Michèle Picard
Insee
Ctcoe
Ministère du Commerce et de l’Artisanat: C. Farlin
Fédération Française du PAPF: Faits et Perspectives
CCA
Interdeco
Cepii
Fedération Française du Vêtement Masculin
Etudes réalisées
Panorama de la distribution:
Etude de 180 villes(1987/90)
L’habillement homme en France (1991)
Le marché de l’enfant (1986)
La nouvelle distribution Jeunes femmes (1993)
Urbanisation et Commerce, (1994)
Séminaire GF Dumont - Sorbonne
Presse
Analyse spécifique 1990/94: Journal du Textile
Expérience France
André, Carrefour, 3 Suisses
Palladium, Paraboot, Aigle, Adidas, JBMartin
Free Lance, Aster, Pom d'Api, Harley Davidson
3/6/1994, Arcachon