le commerce, évolutions, relations


Les quinze années qui viennent de s’écouler ont profondément changé le paysage du marché du vêtement. Tout le monde s’en est rendu compte, et plus rien ne sera plus jamais comme avant.

Avant… il y a bien longtemps, c’était je crois avant les années 1970. On produisait déjà…, on vendait déjà…, on consommait déjà.! Mais les méthodes de production, les systèmes de vente et les façons d’acheter d'aujourd’hui n’ont plus beaucoup de ressemblance avec ce qui passait alors.

J’ai souhaité consacrer cette réflexion au secteur qui est à l’interface de la production et dela consommation. Ce secteur qui a sans doute le plus évolué depuis quinzeans, mais aussi qui a encore la plus grande évolution à faire dans les années qui viennent car il est en contact direct avec les consommateurs: la distribution, les magasins.

L’hebdomadairedu nouveau commerce «LSA» écrivait de façon extraordinaire il y a cinq ans : «il faut conquérir notre futur». Oui, certains commerçants, certaines formes de distribution ont compris et ont déjà un pied dans le futur. Mais pas n’importe quel futur, celui qui ne laisse aucune place à la science fiction, celui qui est la raison normale du commerce: Le service du client. Le service du client actuel, moderne

Remontons un peu dans le temps :Avant 1960, les magasins, sont les outils de vente d’une production hyper puissante. Le schémaest classique. On produit des vêtements, qui sont vendus dans des magasins de vêtements, par des commerçants en vêtements, à des gens qui achètent des vêtements tout naturellement lorsqu’ils en ont besoin. Ces gens, sont avant tout des clients, et toute l’action du commerçant est de conserver son client. La relation commerciale se définit comme une relation directe commerçant/client . Ce client est fidèle, plutôt passif, et bien sûr confiant. Le manque d’information le rend peu évolué lorsqu’il s’agit d’acheter. Le rôle du commerçant est clair : il sait, il conseille, il rassure. Il en découle tout naturellement un service du client basé sur des conseils de choix en termes de durabilité, d’usage, de fonction.Les magasins offrent alors, pour la plupart, un assortiment plutôt restreint, et généralement déspécialisé. Comme le rôle principal du commerçant est d’être situé au bon endroit, (là ou les gens passent) son fond de commerce est sa première richesse et son sens du commerce sa première valeur.

Entre les années 1960 et 1980, une nouvelle relation commerciale va s’installer. Après vingt années de reconstruction de la France, les français vont devenir rapidement des consommateurs. Il va leur falloir, pour développer l’économie, pour créer des richesses, consommer à tout va.

De nouvelles formes de commerce, adaptéesà cette évolution sociologique vont apparaître. Les libres services d’abord, qui laissent aux gens la liberté de choix et qui ont marqué l’opposition de deux systèmes commerciaux, l’un favorisant la relation commerçant-client expliquée plus haut, l’autre favorisant au contraire la relation produit/consommateur.

La naissance des hypers marchés, les centres commerciaux, puis dans un dernier temps les magasins d’usines, vont tous avoir le même rôle: mettre en phase des produits et des consommateurs, minimiser le rôle du commerçant… Alors, bien sûr le commerce en est changé.

Les études de produits, les études merchandising, les études d’attitudes et de comportements de consommateurs priment sur tout. Il faut savoir ce qui va intéresser, par quoi va être séduit le client. Quel objet va déterminer son choix. Dans cette époque de recherche de rentabilité, les mots clés sont C.A au m2, linéaires,… Les magasins sont fonctionnels, rationnels. Avec le temps, les prix au m2, sont devenus presque aussi chers en périphéries qu’en centre-ville vieillissants, les voitures permettent d’aller rêver autour des parkings des CCR. Dans le même temps, apparaît une «science nouvelle». La science de la communication du produit au consommateur: la publicité. Celle-ci a, petit à petit, remplacé la réclame. Au lieu de clamer « Madame, vous êtes la plus belle» on montre le produit qui sous-entend que « vous serez la plus belle lorsque vousl’aurez acquis».

Le développement des hypers marchés, s’appuyant sur le besoin de consommer "plus", va causer des ravages énormes chez les commerçants indépendants. Ceux-ci regroupés souvent dans des associations ou groupements d’achats (peut-être plus intéressés à la discussion du prix, qu’au service du client, il est vrai) ne s’aperçoivent pas du désastre qui frappe leurs rangs.

Il y a quelques temps, pour défendre leurs idées du commerce certains détaillants affichaient sur le porte. «Ici on dit Bonjour». Bien sûr, ce bonjour avait son importance, mais avait-il la même importance pour tous. Cet argument en fait, segmentait les consommateurs en deux groupes, ceux pour qui le service était de s’entendre saluer le bonjour, et ceux pour qui l’important était ailleurs… Nombreux furent ceux pour qui acheter un sweat ou une paire de tennis ne devait pas forcément s’assortir d’un «bonjour».

Dans ce combat des formes de distribution pour un marché, certains spécialistes s’en sortent mieux que d’autres. Mais ces spécialistes là, favorisent davantage la gestion, la formation, la compréhension des phénomène de marché, que cette relation commerçant/client héritée du passé.

Leur service du client est d’être constamment informés sur leurs besoins, d’offrir toujours plus et rapidement de produits adéquats à la demande et enfin de rendre leurs lieux de commerce conformes à ce qu’en attendent les consommateurs modernes. Les succursalistes et chaînes, pour les nommer, mais aussi des détaillants novateurs, leaders dans leur ville, ont compris que « le service du client» a changé et que non seulement ce service a évolué, mais aussi que le client est devenu plus intelligent.

Enfin, la relation froide produit/consommateur laisse la place à une relation plus humaine mais aussi plus complexe la relation commerçant/produit/acheteur-informé. Le toujours MIEUXremplace le toujours PLUS ce qui va bien sûr transformer la structure de la consommation. Lentement, le besoin de qualité s’installe et cette recherche de la qualité semble se faire dans différentes directions.

• La recherche de la qualité technique. Des produits bien faits, pour lesquels l’utilisation est claire. Des produits dans lesquels le superflu n’existe plus, mais aussi qu’il faudra expliquer, argumenter sincèrement, car ces acheteurs informés ont envie de comparer.

• La recherche d’une qualité sociale. Les vêtements sont des signes d’appartenance à des groupes, des signes de positionnement de l’individu par rapport à la collectivité. L’importance de se faire connaître et reconnaître est grandissante et la liberté devientplus importante que l’égalité. L’explosion des marques s’explique en partie par cette recherche de qualité sociale.

• Enfin, une qualité culturelle. L’être et plus particulièrement, le bien-être, remplacent l’envie de l’avoir, et de ce fait, le plaisir prend une nouvelle dimension. Les études des «styles de vies» deBernard Cathelat et du CCA en ont démontré clairement l’importance dans la décennie 80. L’individu, plus important que la collectivité a eu besoin de se satisfaire davantage de ses achats. L’avènement, des micro processeurs, lui a fait admirer la modernité et a entraîné que les systèmes de vente traditionnels passéistes et poussiéreux ne l’intéressent plus. La publicité s’est transformée en communication. On a suggéré au lieu de recommander et, le rêve l’évasion l’émotion l’ont emporté sur lerationnel.

Cette recherche de qualité technique, sociale et culturelle était issue d’une envie de mieux vivre, et cette envie de mieux vivre a entraîné une consommation plus sélective.

La relation mentionnée plus haut commerçant-produit-acheteur informé, a pris toute son importance dans une consommation sélective. Le rôle du commerçant redevenu prioritaire s'est affirmé lorsque:

- Il s'est défini une cible de clientèle conforme à sa ville, à son emplacement, à son environnement plutôt qu’à son goût personnel.

- son point devente est devenu un lieu dans lequel la catégorie de clientèle qu’il a sélectionné et choisi de servir se soit senti bien, à l’aise.

- les produits qu’il y a vendu ont été clairement définis, compris, proposés par thème, afin que les acheteurs ne soient pas perplexes devant le choix qui leur était proposé.

- l’image qu’il a donné de son magasin était conforme aux clients qui y pénétraient et aux produits qui s'y vendaient

- enfin, lorsqu'il était convaincu que ses acheteursconsommaient de moins en moins de matière, et de plus en plus de valeur ajoutée, et que les prix qu'ils étaient disposés à payer pour un produit dépendaient plus de l’image qu’il dégageait que de sa valeur de production.

La compréhension de cette nouvelle relation mettant en scène commerçants, produits, acheteurs entraîne semble-t-il une certaine évolution des systèmes de distribution.

Souhaitons que cette évolution favorise les professionnels de notre métier et les entraîne à leur tour dans «la dynamique du succès».

15/01/1986